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20 novembre 2011 7 20 /11 /novembre /2011 09:32

 

La vérité dépend-elle de nous ?

 

Le problème de l’essence de la vérité est le problème philosophique par excellence.

 On définit communément la vérité comme l’adéquation de la pensée avec le réel seulement cette définition pose plus de problèmes qu’elle n’en résout . Effectivement , il ne faut pas confondre la vérité et la réalité, la réalité c’est ce que vise ma pensée. Or ma pensée n’a rien de mystérieux, elle se compose de jugements où j’affirme quelque chose à propos de quelque chose . Un jugement se compose d’un sujet , d’une copule « est » et d’un prédicat, comme par exemple quand je dis :« cette rose est rouge ». Autrement dit, nous devons passer pour atteindre la réalité par la médiation du concept, mais tout  le problème est de savoir ,au fond, si en partant du concept, en partant de la représentation que nous avons de la réalité, nous atteignons la réalité ? Comment vérifier, que nous atteignons les choses et non pas la représentation que nous en avons, si jamais nous ne pouvons partir des choses mais toujours de la pensée ? Ne sommes –nous pas surtout assurés de ne pas sortir de nos représentations , si cohérentes soient-elles ?

Qu’est-ce qui nous garantit qu’en pensant le vrai on atteint le réel ?    La découverte d’un tel critère ne nous imposerait-elle pas une régression sans fin ? Qu ‘est-ce qui nous garantirait que ce critère serait le bon et qu’il n’aurait pas besoin à son tour d’être assuré , « vérifié » ?

Ne serait-il pas plus juste d’admettre qu’indépendamment, du travail réflexif des hommes nous avons une intuition de la vérité « invincible à tout le Pyrrhonisme » comme disait PASCAL et qui implique que nous soyons capable de reconnaître la vérité avant même que nous n’ayons besoin de preuve ou de démonstration ?

Toutes ces difficultés nous imposent donc que nous nous posions la question de savoir si la vérité dépend de nous ou si ,au contraire ,elle est indépendante de nous .

Si la vérité dépend de nous , c’est-à-dire , des hommes et de leur subjectivité, peut-on encore parler de vérité ? La vérité n’est-elle pas par essence une, nécessaire et universelle ? Que serait une vérité changeante en fonction de celui qui l’énonce et des circonstances qui l’entourent ? Je ne peux choisir que 2 et 3 fassent 5 comme je choisis la couleur de mon parapluie ! Que je le veuille ou non 2 et 3 font  5, l’eau bout à 100° , Hitler est arrivé au pouvoir le 30 janvier 1933.

Il est possible que cela ne me plaise pas  et que je ne dise pas la vérité comme il arrive lorsque je mens ; mais le mensonge est alors la preuve ,qu’en mon for intérieur, j’ai reconnu la vérité et PASCAL n’avait pas tort.

Ainsi , la vérité serait bien parfaitement indépendante des hommes quoique parfois malmenée, elle finirait toujours, comme on dit,  par « éclater » !

L’absoluité de la vérité ne cache –t-elle pas des difficultés redoutables :

 Comment se fait-il que nous nous trompions ? Comment se fait-il que nous puissions prendre l’erreur pour la vérité , n’est-elle pas censée « éclater » ? Le phénomène de l’erreur et son corollaire ( le progrès dans la vérité dans la mesure où il est défini comme  « la rectification de l’erreur » BACHELARD ) ne révèlent-t-il pas  que  nous ne serions pas totalement passifs dans la recherche de la vérité telle , au fond , que l’indépendance de la vérité le suggère ?

Mais si nous intervenons dans l’établissement de la vérité, si ,en effet nous devons renoncer à l’idée d’une vérité qui se révèlerait à nous sans que nous en soyons les auteurs , comment allons nous éviter l’écueil du scepticisme et du relativisme ? Si la vérité est affaire de point de vue, comment pourrons- nous éviter de dire avec NIETZSCHE  que «  tout est interprétation » ?

Comment pourra-t-on , par exemple, condamner  un propos disant que les camps de concentration ne sont qu’ « un détail » au regard de tous les pillages et massacres que nous offre  le spectacle de l’histoire ?

Le problème est donc de savoir si nous pouvons être les auteurs de la vérité sans que l’idée de vérité soit balayée par notre subjectivité . La vérité peut-elle être relative aux hommes sans que nous sombrions dans le relativisme ?

 

 

 

1 La vérité est indépendante de nous

 

     a )  Distinction vérité / opinion :

 

 La vérité est intolérante ! En effet, si on admet que l’eau bout à 100°, on ne peut pas admettre aussi que l’eau bout à 99° ou à 0°, il ne peut y avoir qu’une proposition vraie dans une myriade de propositions fausses , nous n’avons pas le choix ! Le concept de vérité exclut que l’on puisse dire une chose et la négation de cette chose en même temps. Si on pouvait soutenir plusieurs vérités à propos d’un même sujet , le concept même de vérité s’effondrerait pour se fondre dans celui d’opinion, or si nous reconnaissons que « 5+7 = 12 » et que « Louis XIV   est mort en 1715 » c’est parce que cela ne fait ni 13 ni 45 et que ce n’est ni plus tôt , ni plus tard que le représentant de la monarchie absolue est décédé , que cela nous plaise ou non !

La vérité est intolérante parce qu’elle n’admet pas la pluralité des jugements sur ces sujets et c’est même pour cela qu’on l’appelle vérité.

 

       b )  Distinction vérité de raison / vérité de fait

 

Il nous faut par ailleurs remarquer qu’on peut distinguer , à l’instar de LEIBNIZ, qu’il existe deux types de vérités ; les vérités de raison d’une part , les vérités de fait,  d’autre part.

Les vérités de raison sont les vérités qui concernent les sciences formelles ( logique et mathématiques ) ; les vérités de raison sont donc celles qui sont démontrables.

Qu’est-ce que démontrer ?

Démontrer , au sens précis du terme   , c’est montrer la nécessité d’une proposition.

Ainsi, la logique, qui est l’étude des règles que doit adopter la pensée pour être cohérente, montre –t-elle que si je dis que « tous les hommes sont mortels » et « Socrate est un homme », je ne peux pas ne pas dire que « Socrate est mortel », cette conclusion est nécessaire car elle est tirée de l’analyse du concept d’homme lui-même contenu dans le concept de mortel.

La démonstration repose donc sur des principes ( principes de la logique ) qui d’ailleurs ne sont pas démontrables car ils sont à la source de toute démonstration .Il faut les admettre si on veut que notre propos soit, sinon adéquat au réel ,du moins cohérent . Les principes de la logique dirigent donc toute pensée qui se veut non contradictoire.

C’est sur ces principes que DESCARTES, par exemple, prétend démontrer l’existence de Dieu.

Si nous avons en nous l’Idée d’un être tout parfait , cette Idée nécessairement  contient l’existence de cet être , car comme il est plus parfait d’être que de ne pas être, nous aurions une Idée contradictoire. Autrement dit, l’analyse du concept (ou essence) contient l’existence . En mathématique , également, même si les choses sont encore plus complexes , il n’en demeure pas moins que la démonstration repose sur un raisonnement déductif qui est le seul capable d’établir des propositions universelles et nécessaires bien qu’il ne repose pas sur la simple analyse du concept.

Il faut bien distinguer la déduction de l’induction , le second type de raisonnement ,puisqu’il part des phénomènes observés, toujours limités,     ne fournit que des règles particulières et contingentes.Pour affirmer qu’ »il n’ y a que des cygnes blancs », il faudrait avoir une vision totale de tous les cygnes qui ont existé et existeront jamais, ce qui n’est guère faisable…On le voit le raisonnement inductif amplifie prématurément l’observation concrète car il existe des cygnes noirs !

Seule la déduction et, par conséquent, seules les sciences qui n’ont pas affaire à un réel matériel mais à des concepts, peuvent établir des propositions universelles et nécessaires car la pensée n’a affaire qu’à elle même.

 Autrement dit, les vérités de raison s’imposent à nous car nous n’y mettons rien de nous mêmes contrairement aux vérités issues de l’expérience qui précisément , pour cette raison ne sont pas fiables.

Toutefois, nous avons dit plus haut qu’il existe aussi des vérités de fait , et il est certain qu’aussi longtemps que nous ne sommes pas allés sur la lune les corps étaient pesants, et que pour l’éternité la shoah a eu lieu même si elle n’était fondamentalement que « possible » avant qu’elle n’ait lieu .

Il y a donc une hierarchie à établir au sein des vérités mais dans tous les cas je ne suis pas libre de dire ce que je veux en niant l’existence des camps…LENINE rappelle à juste titre que « les faits sont têtus »…

Allons plus loin :

 

            c )   Les faits sont rationnels !

 

D’ailleurs , ne peut-on pas rationaliser les faits ? les phénoménes naturels obéissent à des lois qui ne sont autres que les lois de la « divine raison » qui s’incarnent dans les mathématiques  .

« La philosophie est écrite dans  cet immense livre qui se tient toujours ouvert devant nos yeux, je veux dire l’Univers, mais on ne peut le comprendre si l’on ne s’applique d’abord à en comprendre la langue et à connaître les caractères avec lesquels il est écrit.Il est écrit dans la langue mathématique et ses caractères sont des triangles , des cercles et autres figures géométriques, sans le moyens desquels il est humainement impossible d’en comprendre un mot.Sans eux, c’est une errance vaine dans un labyrinthe obscur. »

GALILEE L’Essayeur (232) Les Belles Lettres

Cette possibilité de soumettre la nature à la raison trouve son aboutissement dans l’avènement du déterminisme dont LAPLACE est reconnu comme le meilleur représentant .          

 Le principe de causalité apparaît comme une sorte de compromis entre l’exigence d’identité de l’esprit et , l’irrationalité ,au moins en apparence, d’un univers en perpétuel devenir .

 

Les faits historiques ne sont-ils pas rétifs à toute incorporation dans la rationalité ? par définition même, le fait qui ici s’appelle événement, n’échappe-t-il pas à tout prévision , et par la même,  à toute possibilité d’un discours rationnel ? HEGEL a affirmé que : « le réel     est rationnel et que le rationnel est réel », non d’une rationalité logique ni même analytique mais d’une rationalité dialectique.

Cela implique ici que le devenir historique qui semble échapper à toute loi , toute rationalité, obéit au contraire à une logique que le philosophe doit dégager.

Destin ici ou déterminisme ?

 

            d )Et sur le plan moral ?

 

La vérité est-elle là encore en option ? Que signifie , dans ce cas l’indépendance de la vérité ?

Le niveau moral de l’interrogation consiste à s’interroger non sur ce que nous faisons (mœurs) mais sur ce que nous devons faire si nous prétendons agir moralement .

Dans le cas de la vérité, ne sommes nous pas obligés de dire la vérité quelles que soient les conséquences et les circonstances ? S’il dépendait de nous et de notre appréciation pour juger de l’opportunité de la vérité ou du mensonge ne risquerait-on pas de ruiner toute morale et plus précisément de ruiner tout contrat , toute relation fondée sur la confiance entre les hommes ? Cf texte de KANT.

Les principes de la morale résistent autant que les principes de la logique car ils émanent de la même raison et qu’il est aussi évident que « 2 et 2 font 4 , et qu’il faut préférer son ami à son chien » MALEBRANCHE

 

Transition par l’analyse des présupposés :

 

En aval :

Qui est celui qui reconnaît la vérité ? 

 

Si la vérité est indépendante de nous , cela signifie que nous sommes fondamentalement passifs , en admettant qu’il faille reconnaître la vérité, il est évident que nous devons nous incliner face à elle ? c’est sans doute la raison pour laquelle  vérité   DESCARTES insiste sur la primauté de l’intuition sur la déduction. Nous avons montré l’importance du raisonnement déductif plus haut mais il provient en fin de compte d’une limitation de notre entendement et peut toujours être sujet à caution . Si nous avions  un entendement infini , nous n’aurions nul besoin de le déduction , nous verrions d’un seul coup d’oeil ,sans les lourdeurs du raisonnement , et la mémoire toujours fragile , les longues suites de démonstrations .

Si la certitude est le point de départ de toute vérité chez DESCARTES , il n’en demeure pas moins que l’évidence servira son critère . ( 1ère règle de la méthode : « N’admettre jamais rien pour vrai que je ne connusse très evidemment être tel »et la dernière « faire des dénombrements si entiers que je fuse assuré de ne rien omettre. » :toujours se méfier de la mémoire qui n’ est pas la raison !

 

En amont :

 

Fondement métaphysique de la vérité :

 

Or le primat de l’intuition sur la déduction implique également que la raison ne soit pas en nous mais en DIEU . En effet , si nous sommes capables de tenir un discours rationnel , si nous sommes capables de faire des mathématiques ou d’adopter un comportement moral , c’est parce que la raison est d’abord en DIEU. Au XVII ème siècle , La raison est communément appelée « lumière naturelle » et justement l’idée de lumière implique que nous ne sommes pas la source de cette lumière et que c’est elle qui nous éclaire.Connaître c’est véritablement disposer d’une théorie , c’est-à-dire voir ( ora ) en Dieu (théos) ;dans le mot théorie, il y a l’idée de voir quelque chose de grand et qui nous domine.

 

 La connaissance comme réminiscence comme aussi la dimension contemplative du savoir (   la traduction latine de théorie c’est  la contemplation et contemplari ,c’est l’acte de l’augure qui délimite le sol sur un espace et qui en même temps considère un espace du ciel ; le « cum »  vient de cette simultanéité du regard sur le ciel et la terre . ; l’augure voit d’un regard le cercle sacré sur la terre et dans le ciel, et ici aussi il y a l’idée d’une totalité, comme dans le mot théorie ) ;ou plus « près » de nous ( !) la thèse de l’innéisme et l’aporie de l’athéisme pour expliquer la possibilité des mathématiques dans la première partie des Méditations métaphysiques ( § 10), illustrent parfaitement la nécessité de ce recours.

En ce qui concerne l’histoire , il sera alors tout aussi « évident » que les hommes ne seront pas les auteurs de leur histoire mais plus simplement les acteurs d’une pièce qu’aucun d’eux n’aura rédigée mais que la Providence ou plus laïquement le Progrès aura élaborée.

 

On le voit une telle représentation de la vérité, si elle permet d’en garantir l’absoluité exige que l'on dépasse le sensible : l’existence  d’une transcendance qu’on l’appelle DIEU ou le PROGRES ou la RAISON (dans les choses et dans l’homme ensuite ).    qui garantisse que LA vérité  ne soit pas simplement la nôtre. Cette exigence est plus essentielle encore en matière de morale qui plus encore que la vérité dans les sciences intéresse tout le monde  et c’est sans doute la raison pour laquelle ROUSSEAU à la suite du christianisme  faisait de la conscience morale « un instinct divin ».

Or une série de questions et de difficultés se posent :

Si la vérité ne dépendait pas de nous comment pourrions –nous éprouver l’erreur, comment pourrions-nous en sortir, la rectifier, pour être enfin dans le vrai ? ne sommes –nous pas actifs et auteurs de la vérité ? Ces questions nous imposent de repenser le fondement de la vérité .

 Ne peut-on pas fonder la vérité de façon « plus économique » ? Nous savons en outre que la raison  peut juste nous dire que Dieu est possible , ce qui revient à dire que l’énoncé « Dieu existe » n’est pas vrai , ni faux d’ailleurs !!! 

Autrement dit , la raison ne peut-elle pas être humaine , rien qu’humaine et néanmoins capable de vérité ?

 Les facultés  intellectuelles et sensibles de l’homme ne lui permettent-elles pas d’établir des vérités de raison (les mathématiques) et de connaître le réel ? ou plus exactement le pouvoir de sentir que pas même DESCARTES ne nie (cf MM 2 § 3  ) ne peut-il pas être à l’origine de nos vérités , c’est-à-dire maintenant de nos connaissances ?

On le voit la question se transforme et nous impose de nous interroger non plus sur le fondement de la vérité mais sur l’origine de notre connaissance et de remplacer en somme la métaphysique par la psychologie et peut-être la morale par la sociologie …

 

 

 

 

2      La vérité et le problème de l’origine de la connaissance :

 

 

 

 a ) l'hypothèse de l’empirisme .

 

 

On s’en souvient , L’indépendance de la vérité lui imposait un fondement transcendant et faisait de la raison nous offrant des vérités universelles et nécessaires une faculté prouvant que nous étions « à l’image de Dieu ».

A-t-on besoin pourtant d’une telle explication ? D’où viennent nos connaissances ?

L’empirisme se présente comme une critique de la thèse des vérités innées . Le principal argument de l’innéisme tient au fait qu’il existerait « un consentement universel entre les hommes » (J LOCKE) : ce qui ne pourrait s’expliquer que par le caractère inné de ces notions, puisque l’expérience diffère de sujet à sujet et serait incapable d’engendrer une unanimité. Or « il n’y a aucun principe sur lequel tous les hommes s’accordent généralement » : le principe de non-contradiction , par exemple, ne serait nullement une vérité une et universelle puisque « les enfants et les idiots » n’en ont pas la moindre idée et qu’il doit être acquis par l’éducation .

L’inné est en fait composé d’une multiplicité d’acquis : pour finir par reconnaître immédiatement qu’il est impossible qu’une chose soit et ne soit pas en même temps ( ce qu’un jeune enfant ne saura faire), il faut déjà aoir aperçu et admis que la nourrice n’est pas le chat ou que la moutarde (que l’enfant refuse ) n’est pas la pomme qu’il veut manger . l’innéisme est juste le résultat de l’abstraction mais c’est l’expérience et la sensation qui sont premières . l’esprit ne content donc aucune idée innée mais c’est au contraire une table rase à la naissance  et tout lui vient par la sensation et la reflexion sue ses sensations , c’est ce qu’on appelle l’expérience .

Il suffira de montrer que les mathématiques reposent totalement sur les principes de la logique et donc sur l’expérience pour prouver qu’elles n’ont pas besoin d’être des idées innées et que par conséquent elles n’ont pas besoin de Dieu pour se trouver en nous , nous sommes capables de les inventer et pas seulement de les découvrir !

La distinction leibnizienne serait donc érronée car il n’existerait   plus que des vérités de fait .

La question de la relation causale est donc aussi réglée , s’il n’existe que des faits, la seule relation que nous puissions établir entre deux phénomènes sera issue de l’observation et ne pourra se faisant prétendre devenir une loi universelle   nécessaire telle que le déterminisme l’avait prétendu . Nous serons donc bornés en ce qui concerne l’étude de la nature à l’induction . Cf HUME c'est le risque si l’on refuse l’innéisme .Il faudra donc substituer à l’idée de nécessité , l’idée d’habitude de voir les phénomènes joints l’un à l’autre ce qui signifie que la science devra accepter que les lois ne sont que probables et que par conséquent nous devons renoncer à toute certitude.

 

IL ne sera donc plus possible, a fortiori ,de rationaliser les faits historiques , tout au plus fera –t-on une chronique des faits du passé.

 

Parallèlement , en matière de morale si la vérité dépend de nous cela signifiera que nous devons en fait calculer les conséquences de notre acte et ne pas nous fier simplement  à la pureté des principes . cf le pragmatisme et la polémique de KANT avec B. CONSTANT.

 

Allons plus loin :

 

   b ) Qui parle ?

 

   si nous validons le questionnement concernant le primat de l’origine de nos connaissances sur le fondement de la vérité nous ne pouvons pas refuser la radicalité de l’interrogation nietzschéenne recourant à la psychologie des profondeurs pour invalider la suprématie non seulement de la morale mais de la logique .

« On peut dire que le point de vue  psychologique se distingue radicalement du point de vue logique et métaphysique .

Le logicien étudie comme le psychologue les opérations de notre esprit mais pas de la même façon. Le logicien analyse un jugement afin d’apprécier la valeur par rapport à une norme qui est le vrai.Ce qui intéresse le logiciens se sont les raisons d’un jugement. Le psychologue n’a pas à s’occuper directement de le vérité ou de la fausseté d’un jugement. IL ne se demande pas si un jugement est vrai ou faux, mais pourquoi ce jugement a été porté par telle personne dans telle circonstances. On pourrait dire que le logicien cherche un fondement et le psychologue une origine . Le psychologue ne s ‘ intéresse pas aux raisons  qui justifient mais aux causes qui expliquent » cf Manuel Vergez et Huismans.  Fernand Nathan tome 3.   Et NIETZSCHE, en tant que psychologue  ne déroge pas à la règle , il radicalise même cette attitude puisqu’il va se demander quel est celui qui a besoin de la logique .

 NIETZSCHE se demande non pas ce qu’est la vérité mais qui est celui qui a besoin de vérité ?

Qui parle ?

 Le principe de non –contradiction est-il à ce point fondamental ? Comme par hasard rationalistes et empiristes  y enracinent leur propos mais d’où vient-il ce «  besoin » ?

On ne peut dès lors que récuser toute volonté de vérité .

Ne faudra-t-il   pas admettre la radicalité de la notion d’interprétation, c’est-à-dire , le refus de toute vérité par le soupçon toujours vérifié de la dimension subjective de tout énoncé si « objectif » soit-il ?

Dire que « les faits sont têtus » implique que les faits existent, or rien n’est moins sûr .

L’histoire est une curieuse science dont l’objet n’existe pas , il n’est pas présent et pour cause il faut donc se le re-présenter. Tout se passe comme si l’histoire comme réalité n’avait d’existence que par l’histoire comme discipline et comme savoir. La confusion du français est à cet égard riche d’enseignement . Les allemands distinguent Historie et Geschichte , les anglais , de même,  avec history et story .En français, l’histoire comme réalité se dit du même mot que l’histoire comme savoir, le français d’habitude si analytique serait ici plutôt approximatif ! Belle intuition pourtant que cette confusion !

Elle faisait dire à un célèbre historien que « l’histoire de l’Egypte, c’est l’histoire de l’égyptologie », autrement dit que nous ne connaissons le passé que grâce à ce que l’on nous dit du passé, ce qui n’est pas le cas des autres diciplines : les êtres vivants existent ailleurs que dans les livres de biologie et les étoiles ailleurs que dans les manuels d’astronomie, mais le passé où réside -t-il si justement il est passé et n’est plus ?

Ne peut-on pas dire ce que l’on veut en histoire ? Si l’histoire n’est que la re-présentation du passé, comment cette re-présentation ne serait-elle pas par définition subjective ?

L’historiographie qui est   l’histoire de la façon d ‘écrire l’histoire ne révèle-t-elle pas une grande diversité ?

Cf texte de VALERY sur l’histoire . « L’histoire justifie ce que l’on veut… »

 

La conséquence de l’empirisme et du psychologisme nietzschéen c’est le scepticisme voire même le relativisme et l’impossibilité d’énoncer quoi que ce soit de « vrai » qui ne soit pas au fond taxé d’utile à quelqu’un ( les faibles, les hommes du ressentiment ) ou à quelque chose (la société).

Nous sommes donc dans une impasse puisque nous ne pouvons ni revenir à la thèse de l’innéisme ni nous contenter de l’empirisme fossoyeur de toute idée de vérité ; quelle solution pouvons –nous admettre ?

 

 

 

 

 

3      La relativité de la connaissance n’est pas le relativisme .

 

            a ) Comment la vérité est-elle possible ? (la « déduction transcendantale »)*

 

L’empirisme ne peut rendre compte des jugements synthétiques a priori.

or ils existent : les mathématiques et la physique sont des sciences non des conjectures. Donc « Si toute notre connaissance commence  avec l’expérience ,il ne s ‘ ensuit pas qu’elle dérive toute de l’expérience « .

Le travail de KANT va donc consister à mettre au jour les deux sources de notre connaissance (notre pouvoir de connaître) ; il y a certes la sensibilité qui nous fournit des intuitions mais aussi l’entendement qui nous fournit des concepts.

Pour que l’on puisse parler de connaissance , il faut le concours de ces deux facultés : une intuition sans concept est  « aveugle » cf le « sauvage qui voit un palais » et un concept sans intuition : « vide » ; ainsi si mon concept de cause est sans intuition , je peux m’imaginer être capable de forger l’ Idée d’une cause première incausée , c’est-à-dire DIEU.

 Qu’est-ce qu’une connaissance ? Que nécessite-t-elle ?

Une connaissance est un jugement où l’on affirme quelque chose à propos de quelque chose.

Il y a deux types principaux de jugements :

Les jugements analytiques qui sont a priori : si je dis que tous les corps sont étendus, en attribuant l’extension à mon concept je ne fais que dégager une propriété qui s’y trouve nécessairement : je ne peux concevoir un corps qui ne serait pas étendu . 

 les jugements synthétiques : si mon concept est empirique ( formé à partir de l’expérience ) et que je dis :  «  cette rose est rouge »  .

Le concept est fourni par l’entendement , tandis que l’intuition est donnée (reçue du dehors). Pour dire que la rose est rouge je posséde mon concept  (empirique ici) et une intuition( une perception) du rouge vient la compléter .Mais, à la différence du jugement analytique ,ce jugement est contingent puisqu’il nécessite l’expérience : je peux concevoir une rose blanche ou rose ou noire sans que cela contredise mon concept .

Autrement dit ,  c’est l’expérience et l’expérience seulement qui m’informe de ce qui vraiment existe (et cela sera vrai des concept rationnels non issus de l’expérience : les catégories de l’entendement ) mais le problème c’est qu’il existe des jugements d’un 3ème type qui ne  semblent pas compréhensibles par la seule analyse et donc par le seul respect du principe d’identité mais qui pourtant ne sauraient reposer sur l’expérience sans que leur universalité soit dicréditée . De tels jugements, KANT va les appeler des jugements synthétiques a priori et tout l’objet du plus célèbre ouvrage de KANT , la critique de la raison pure  sera de se demander « comment sont possibles les jugements synthétiques a priori . »

KANT va donc montrer que certes il nous faut toujours une intuition et un concept mais que ceux –ci sont de deux types il y a les intuitions et les concepts empiriques , ceux de l’expérience ordinaire et l’intuition et les concepts purs ou a priori (il appelle ces derniers « les catégories de l’entendement ») .

 l’intuition pure  ( l’espace et le temps sont les formes a priori de notre sensibilité et les concepts de l’entendement sont  les cadres subjectifs mais universels   de notre connaissance.) cf texte sur THALES .

A partir de KANT la subjectivité est la source de l’objectivité , il ne faudra plus confondre objectivité et extériorité , mais du même coup nous n’avons plus de connaissance des objets en eux –mêmes mais seulement à partir de ce cadre dont nous ne pouvons sortir.La connaissance est donc relative à nous mais pourtant certaine !!!

 Ainsi s’accomplit la révolution kantienne qui est de dire au fond que « notre connaissance ne se règle pas sur les objets , mais que ce sont les objets qui se règlent sur notre connaissance. » 

              .Certes , on peut considérer que la solution transcendantale reste trop problématique, il n’en demeure pas moins que l’épistémologie contemporaine , consciente de l ‘écueil représenté par l’empirisme a cherché à fonder un critère qui évite la solution transcendantale et qui évite aussi le scepticisme inhérent à l’empirisme .

Elle consiste à dire qu’il n’y a aucun fondement positif du savoir mais s’il y a un moyen positif d’éviter l’erreur , c’est que nous savons ce que c’est (l’erreur ) et comment on établit qu’une vérité est fausse . De fait, nous avons toujours le moyen, à défaut de trancher pour une théorie, de trancher contre elle : l’expérience ne peut pas vérifier et justifier un énoncé, mais elle peut l’infirmer . On tient là un critère négatif mais un critère tout de même.

POPPER et le critère de falsifiabilité .

 

Il reste cependant un problème de taille car il en va de la légitimité des sciences humaines.

 

b )  L’interprétation peut-elle avoir une valeur ?

 

Ayant assuré la validité des jugement synthétiques a priori , devons –nous nous en contenter et admettre que règne l’arbitraire le plus absolu dans le domaine des sciences humaines ? Marxisme et psychanalyse ne sont-ils que des interprétations arbitraires sans aucune valeur scientifique ? N’ y –a-t-il au fond que des sciences démonstratives , doit-on renoncer à une science de l’interprétation ?

Le négationnisme n’est-il qu’une interprétation possible et qui n’a de limite que celle que lui oppose  celle de l’histoire officielle ?

Il faut rappeler qu’en matière d’histoire, le travail de reconstitution du passé exige aussi des preuves, qu’on appelle « documents  » . Ils peuvent être soumis à l’examen des sciences de la matière pour vérifier l’exactitude d’une datation,par exemple. Mais le travail de l’historien ne saurait  s’arrêter à la critique des documents , il  doit  comprendre les faits , c’est-à-dire les interprèter ; il ne suffit pas de dire ce qui s’est passé , encore faut-il comprendre pourquoi même s’il s’agit de « l’incompréhensible »   H. ARENDT ( Les origines du totalitarisme )souligne que l’esprit exige des explications . La difficulté est de donner des causes qui soient à la hauteur des faits incriminés ; ainsi la montée du nationalisme semble-t-elle insuffisante à H.ARENDT pour expliquer l’antisémitisme qui, dit-elle, était inexistant à l’heure de gloire des Etats- nations.

Passant en revue les différentes interprétations possibles de l’antisémitisme , elle réfute autant la thèse du bouc émissaire que la thèse inverse de la haine éternelle du Juif qui ne saurait rendre compte de cet événement unique qu’est l’Holocauste.

C’est, au contraire,  au moment de la montée du totalitarisme , par essence , supra-national  que l’antisémitisme s’est fait jour.    L’historien doit, parmi la masse des faits ,dégager les plus importants mais, d’autre part, chercher  le fil conducteur qui permet de les relier.       C’est en cela que consiste précisément le travail d’interprétation et que l’on pourrait nommer jugement réfléchissant par opposition au jugement déterminant.

Le temps est donc venu de dire ce que l’on entend par interpréter et les résultats de notre reflexion peuvent déjà nous dire de quoi il y a interprétation et de quoi il n’y a pas interprétation , autrement dit quelles sont les limites que l’on peut assigner à l’interprétation si l’on veut que le mot de vérité garde un sens et que le mot d’interprétation ne signifie pas tout et son contraire.

Prétendre à l’instar de NIETZSCHE que la non-contradiction est susceptible d’une interprétation rend impossible tout discours , aussi devons –nous considérer que les énoncés formels qui excluent le sens et l’équivocité ne peuvent pas faire l’objet d’une interprétation mais sont excluent de l’interprétation ou tout du moins d’une interprétation qui se voudrait rigoureuse les énoncés dont le sens seraient totalement indécidables comme les propos d’un fou    .

Interpréter quelque chose suppose que ce quelque chose ait du sens mais que ce sens puisqu’il faut l’interpréter ne soit pas obvie mais caché.  Autrement dit , c’est un texte qui doit être interprété.

PLATON , dans son dialogue du Phèdre rappelle qu’un texte écrit est orphelin et qu’on lui faire dire n’importe quoi puisqu’il n’a plus son père et que le « con-texte » qui lui a donné naissance a disparu.

Mais si l’on sait  que l’on a pas devant soi des énoncés logiques ou mathématiques , si l’on sait que l’on a pas affaire à un fou , on doit faire le pari du sens et d’abord s’attacher à la « lettre » du texte, c’est ainsi que la première science de l’interprétation , celle de l’interprétation   des textes sacrés ou herméneutique a vu le jour . IL ne s’agit pas d’inventer un sens qui ne s’y trouve pas mais de retrouver « l’esprit » du texte derrière « la lettre », mais « la lettre » n’est pas rien ! IL y donc des règles qui se dégagent du travail interprétatif .

Même si le travail de l’interprétation ne s’arrête pas à l’interprétation de la Bible, il est évident que les herméneutiques modernes traitent des faits humains comme s’il y avait un sens caché et plus exactement inconscient à nos comportements. Cf textes de KANT ,ENGELS   de FREUD et de BOAS .

 

           c )  Et la morale ?

 

Là encore si l’on veut éviter le scepticisme et le relativisme nous ne pouvons que refuser le pragmatisme , car « il faut préférer son ami à son chien » comme le disait MALEBRANCHE, toutefois il nous semble certain qu’aucun principe ne puisse éviter que nous ne jugions le cas auquel il  s’applique car en la matière il nous faut toujours recourir à la prudence qui ne tranche jamais d’avance .

 

 

CONCLUSION :

A la question de savoir si la vérité dépend de nous , nous avons tâché de montrer quel e concept de vérité était incompatible avec une dépendance vis à vis de nos subjectivités, car si la vérité dépendait de nous , la vérité se réduirait à une affaire de goût, or comme chacun le sait , des goûts et des couleurs , on ne discute point…Mais les présupposés permettant de garantir l’indépendance de la vérité nous ont semblé trop spéculatifs (innéisme cartésien ), aussi est-ce dans la philosophie transcendantale que nous avons pu transformer la nécessité en universalité . Les mathématiques sont vraies parce qu’elles sont valables pour tout esprit raisonnable. C’est donc bien dans la subjectivité que l’on peut fonder la vérité mais dans une subjectivité considérée comme identiques pour tous les hommes .ET si l’on doit garder quelque chose  de l’empirisme ainsi que le suggère POPPER , c’est bien celui de l’intersubjectivité.

 C’est en confrontant ces idées avec les autres que le scientifique, qu’il soit physicien ou historien , permet de progresser dans la recherche de la vérité .

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Blog(fermaton.over-blog.com),No-19.- THÉORÈME VERITAS. - La vérité c'est quoi ?
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