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20 novembre 2011 7 20 /11 /novembre /2011 09:22

 

Expliquer le texte suivant

 

« Qui dit esprit dit, avant tout, conscience. Mais, qu'est ce que la conscience ? Vous pensez bien que je ne vais pas définir une chose aussi concrète, aussi constamment présente à l'expérience de chacun de nous. Mais sans donner de la conscience une définition qui serait moins claire qu'elle, je puis la caractériser par son trait le plus apparent: conscience signifie d'abord mémoire. La mémoire peut manquer d'ampleur: elle peut n'embrasser qu'une faible partie du passé; elle peut ne tenir que ce qui vient d'arriver; mais la mémoire est là, ou bien alors la conscience n'y est pas. Une conscience qui ne conserverait rien de son passé, qui s'oublierait sans cesse elle-même, périrait et renaîtrait à chaque instant : comment définir autrement l'inconscience? Quand Leibniz disait de la matière que c'est "un esprit instantané", ne le déclarait-il pas, bon gré, mal gré insensible? Toute conscience est donc mémoire, - conservation et accumulation du passé dans le présent. Mais toute conscience est anticipation de l'avenir. Considérez la direction de votre esprit à n'importe quel moment: vous trouverez qu'il s'occupe de ce qui est, mais en vue surtout de ce qui va être. L'attention est une attente , et il n'y a pas de conscience sans une certaine attention à la vie. L'avenir est la; il nous appelle, ou plutôt il nous tire à lui: cette traction ininterrompue , qui nous fait avancer sur la route du temps, est cause aussi que nous agissons continuellement. Toute action est un empiétement sur l'avenir. Retenir ce qui n'est déjà plus, anticiper sur ce qui n'est pas encore, voilà donc la première fonction de la conscience. Il n'y aurait pas pour elle de présent, si le présent se réduisait à l'instant mathématique. Cet instant n'est que la limite , purement théorique, qui sépare le passé de l'avenir; il peut être à la rigueur conçu , il n'est jamais perçu; quand nous croyons le surprendre, il est déjà loin de nous. Ce que nous percevons en fait, c'est une certaine épaisseur de durée qui se compose de deux parties : notre passé immédiat et notre avenir imminent. Sur ce passé nous sommes appuyés, sur notre avenir nous sommes penchés: s'appuyer et se pencher ainsi est le propre d'un être conscient. Disons donc, si vous voulez, que la conscience est un trait d'union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l'avenir

 

 

 

 

 

 

Correction du texte de H.BERGSON  extrait de «  La conscience et la vie » 1911 (de l'énergie spirituelle)

 

 

Dans ce passage , BERGSON veut nous montrer que la conscience (thème) loin d’être un concept que l’on pourrait définir , une chose dont on pourrait dégager l’essence est d’abord l’objet d’une expérience « constante »    , subjective, mais néanmoins universellement partagée . C’est pourquoi la question que se pose BERGSON n’est pas vraiment « qu’est-ce que la conscience ? » qui renvoie à la question de l’essence mais  plutôt : « comment nous apparaît-elle ? ».

 Sa réponse consiste  non  pas  en une définition abstraite mais une description  concrète  dans laquelle le temps joue un rôle majeur . Aucune expérience ne s’effectue hors du temps mais BERGSON ne fait pas du temps un simple attribut ou caractère de la conscience , il en fait l’essence même ou l’étoffe . Dire que la conscience perçoit « une certaine épaisseur de durée » ( thèse), c’est dire qu’elle synthétise , fait fusionner les parties du temps (passé, futur),  que notre intelligence a séparées et mathématiquement   « dé-finies ».  L’ incapacité de la conscience à percevoir l’instant présent ne serait pas un défaut de la conscience mais au contraire révèlerait que seule la conscience et non les instruments de mesure issus de l’intelligence analytique seraient capables de se représenter le temps comme flux continu .  Il y aurait donc un temps présent conçu comme une succession d’instants séparés et un temps présent perçu comme une quantité indivisible : seul celui-ci serait le temps perçu la conscience et le temps véritable .

 Le  problème posé par le texte est donc celui-ci : comment définir  ce qui échappe à toute définition ? comment penser la conscience , le temps , la vie elle –même sans en faire des choses abstraites et fausses ? Les arts, la littérature , la musique  ne sont-ils pas plus appropriés que la philosophie ou de façon générale la pensée diviseuse, pour dire toutes ces choses ?

 

Ce texte présente trois parties distinctes : La première partie de « qu’est-ce que la conscience ? à… trait le plus apparent », BERGSON énonce son projet et sa méthode .Dans la deuxième partie , BERGSON décrit successivement et au fond contradictoirement les traits de « cette chose présente » qu’est la conscience : conscience signifie mémoire et anticipation .A ce stade , il s’agit surtout d’une description quasi psychologique .

Dans la dernière partie : « Retenir ce qui n’est pas encore(… )  , jusqu’à la fin du texte BERGSON dégage la raison de son choix méthodologique  initial : la conscience ne peut être définie, elle a une fonction  celle de percevoir   une durée , c’est- à-dire d’un temps qui  n’est pas divisible en instants successifs et qui explique que nous soyons capables de souvenir et d’attention .

 

 

 

 

L’explication

1ére partie :

BERGSON  commence par une question traditionnelle qui porte sur l’essence de la conscience . La question de l’être d’une chose  est véritablement philosophique car il s’agit en posant cette question à la fois de dépasser la multiplicité pour dégager un concept mais à la limite aussi de dégager l’être derrière les apparences confuses . L’exigence de définition est donc essentielle .Pourtant , BERGSON élude cette question en faisant appel à l’expérience de chacun   . Il ne    va pas définir la conscience car la définition impose un passage à l’abstraction incompatible avec sa dimension prétendue concrète . Définir impose une démarche analytique qui consiste à ramener le complexe au simple . Or   la conscience serait une « chose » c’est-à-dire pas une idée ou un concept  et elle serait concrète c’est-à-dire d’une certaine manière accessible à tous mais d’un autre côté ce serait une chose complexe , composée de divers éléments que l’on ne peut séparer .Etymologiquement , le concret désigne ce qui est formé par agglomération et qui se trouve donc à l’opposé de simple ; La conscience est donc effectivement une chose concrète , complexe mais certainement pas une chose matérielle ni une chose décomposable en éléments simples .Une définition  ne serait donc pas une méthode adéquate pour approcher la conscience . Comment alors approcher cette « chose » si fragile que la définition détruit et dénature en séparant les éléments qui la compose ? Il faut donc maintenir cette diversité et cette complexité dans une approche moins dissolvante : la description de ce qui apparaît peut sembler appropriée à cet « objet » car la description s’attache justement aux apparences et ne cherche pas à ramener à l’unité d’une idée ce qui par nature est complexe . La méthode étant choisie , BERGSON va donc décrire ou « caractériser «  cette chose » dans toute sa diversité et complexité .

 

C’est l’objet de la deuxième partie :

  « Conscience signifie mémoire » , cette formule veut dire que la mémoire est l’autre face de la conscience , comme le signe est indissociable de son sens . La mémoire est une faculté de l’esprit humain qui peut varier d’un individu à l’autre mais elle ne peut être totalement absente sans que la conscience ne disparaisse .En quoi la mémoire nous permet-elle de mieux approcher cette « chose concrète » qu’est la conscience ? En quoi la conscience renvoie-t-elle à la mémoire ?   La conscience doit conserver son passé  et ne pas se fondre dans la fuite du temps sans mourir comme conscience . Les historiens le savent bien :un peuple qui n’aurait pas   la conservation de son passé dans l’histoire ne saurait pas qui il est ni d’ailleurs où il va.   Et ce qui est vrai des peuples l’est aussi des individus .    Même s’il ne s’agit que d’un très bref moment, comme le suggère l’auteur : si en lisant une phrase j’oublie la phrase précédente, je perds le sens . Si, en lisant un mot   j’oublie la syllabe précédente , je ne sais plus ce que je lis car le sens implique une liaison entre les syllabes pour faire un mot , entre les phrases pour faire un roman entre les époques pour faire une histoire qui ait du sens et qui nous relie au passé .  Si je ne fais pas ce lien avec ce passé, même le plus proche  , je ne sais pas ce que je lis voire qui je suis . Un enfant qui annône, c’est-à- dire qui décompose le sens d’un mot ou d’une phrase dans ses éléments purement matériels ( phoniques) est incapable de dire ce qu’il a lu !   Mais qu’est-ce qui fonde ces vérités psychologiques ? C’est parce que la mémoire elle-même ne peut se comprendre sans la conscience .   BERGSON à ce stade du texte ne le dit pas et ne le précise pas mais l’histoire ce n’est pas plus une succession   d’évènements , qu’une phrase n’est une succession de mots et un mot une succession de phonèmes bien qu’il n’y ait pas d’histoire sans événement , de phrase sans mot etc ce ne sont pas les choses qui sont liées , c’est la conscience qui les relie. Autrement dit , si la conscience est mémoire c’est parce que la mémoire elle-même est conscience ; une mémoire sans conscience serait une mémoire qui confondrait le passé et le présent un peu comme une cicatrice qui est présente sur le corps et n’existe qu’au présent alors qu’elle  renvoie à un événement passé .Pour qu’il y ait passé , il faut qu’une conscience se le re-présente et qu’elle-même si situe clairement au présent .

 

Mais la conscience est aussi  tournée vers l’avenir, n’oublions pas que  BERGSON   cherche à caractériser l’intuition que nous avons de nous- mêmes or nous ne pouvons être conscients sans que nous soyons tournés vers l’avenir . Cette ouverture au futur pourrait presque définir la conscience et même plus que la mémoire puisqu’elle est   le propre de l’intelligence :  L’attention est une attitude volontaire qui implique une tension de l’esprit qui cherche à deviner la vérité en même temps que le celui qui l’énonce .L ‘élève attentif n’est-il pas celui qui parfois finit les phrases du maître ? De surcroît , c’est parce que l’homme se représente l’avenir  qu’il peut agir : l’animal n’agit pas , il réagit parce qu’il est incapable de se projeter vers le futur .Comment   un animal  pourrait –il se représenter une chose qui n’existe pas encore (donc un néant !) ce qui est pourtant la définition même de l’avenir ? L’action implique que   l’on soit capable de penser logiquement la fin avant les moyens . La conscience a donc une certaine maîtrise du temps car l’action implique évidemment l’intervention de la liberté .

Pourtant , à ce stade, BERGSON ne fait que caractériser  successivement, analytiquement, et somme toute statiquement  ce que la conscience perçoit comme un tout  .C’est de cette continuité même du temps qu’il est question dans le dernier paragraphe qui contient la véritable expression de la thèse de BERGSON :

La 3 ème partie :

La vérité de la conscience c’est précisément cette saisie dynamique de ce qui n’est plus et  de ce qui n’est pas encore . Cela veut dire d’abord que le passé et l’avenir qui était analysés comme séparés sont en fait perçus en MEME temps .   Autrement dit , si on ne pouvait définir la conscience , c’était parce que la conscience ne saisit (perçoit)  pas le temps comme une succession mais comme une durée, c’est-à-dire comme une mélodie où les moments du temps s’interpénètrent . C’est à cette condition que nous pouvons percevoir, en effet, une mélodie : si nous ne percevions que le son au moment où il est joué , assurément nous n’aurions guère l’idée de la musique et pourtant , objectivement, chaque note est jouée l’une APRES l’autre  .

              Mais cela veut dire aussi que le passé et le futur ne sont pas . Ils n’ont aucune existence : il ne faut pas confondre le temps qui passe et les choses qui sont dans le temps et qui sont toujours au présent : il n’y a de passé que représenté pour une conscience ; quant à l’avenir comme c’est un temps qui n’est pas encore il n’a pas plus de réalité encore moins même que le passé.

Ce dernier a au moins pour lui de ne pouvoir être modifié par l’homme ; l’avenir est effectivement le temps de la liberté . Si donc l’homme est   dans le temps ,comme toute chose ,   il est aussi hors de lui dans la mesure où il se le représente .

Dès lors,  ce que nous dit BERGSON c’est qu’il ne faut pas confondre le temps perçu par la conscience qui est le vrai sens du temps et le temps conçu par l’intelligence analytique . Le temps est un objet bien difficile à saisir puisque justement ce n’est pas une chose mais une dimension où sont les choses , y compris nous ; de même l’espace .  Le temps objectif c’est le temps défini par une succession d’éléments indivisibles que l’on appelle des instants . L’instant serait un moment du temps ,le plus petit élément, mais qui ne serait pour la conscience qu’une fiction , une construction intellectuelle commode certes pour mesurer le temps mais finalement fausse parce que l’instant tel le point géométrique qui n’a pas de dimension , n’a aucune durée … « ce n’est que la limite purement théorique qui sépare le passé de l’avenir ».   Pour mesurer le temps  on mesure en effet en un espace parcouru par un mobile dont le mouvement est supposé uniforme , par exemple l’espace parcouru par le mouvement d’une aiguille .En fait on fait comme si le temps c’était de l’espace c’est-à-dire une quantité divisible à l’infini , une matière parfaitement homogène et définissable . Or le temps de la conscience est  un temps qualitatif où les parties s’interpénètrent  . BERGSON fait donc du temps vécu ou perçu comme l’on veut, (ce qui compte c’est que l’on ait compris qu’il est indivisible c’est-à-dire concret , complexe, ) l’ESSENCE même de la conscience  ou mieux : « le propre d’un être conscient » , la conscience étant toujours incarnée dans un être particulier , dans un être sentant et vivant .

 

 

Ce texte pose le problème des limites de la pensée conceptuelle quand il est question d’approcher ce qui échappe à notre intelligence simplificatrice comme la conscience, le temps ou la vie même . En effet , l’intelligence consiste à identifier , à ramener le complexe au simple , l ‘esprit à la matière, le vivant à du mécanique . Ce à quoi nous invite ici BERGSON ce n’est pas à renoncer à la rationalité, à l’effort pour penser  mais à renouveler nos méthodes quand nous voulons avoir l’intelligence de certains « objets » dont l’essence, le tout,  ne se réduit pas à la somme des parties . On pourrait cependant penser que l’art , la littérature et, en effet, la musique sont plus aptes qu’une définition à les  saisir , c’est-à-dire , à percevoir et surtout à communiquer cette dimension de la vie .

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commentaires

V
je suis prof et j'en ai marre que tous les sujets soient déjà corrigé sur le net... on se tire une balle dans le pied !
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H
mdrrr
M
Bah moi je trouve c'est important que tous les sujets soit traité sur le net mais nous les élèves sa ne nous poussent a tricher ou a reprendre les mêmes choses c'est une façon de mieux connaitre mieux apprendre parce que ce ne sont pas tous les prof qui font de bon cours aux élèves moi mon rêve c'est d'etre philosophe je suis au lycée moderne d'abobo
E
pourriez-vous en dire plus ?
S
loooooooool
C
Blog(fermaton.over-blog.com),No-20. - THÉORÈME du DON. - Une société de serviteur ?
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